Photographie
Jacques Grison
Depuis trente ans, Jacques Grison explore les effets de rémanence produits par les lieux de grandes souffrances. La rémanence s’entend ici comme cette persistance d’effets dont la cause a disparu depuis longtemps.
« La photographie, dit-il, ouvre un champ privilégié et un temps d’expériences qui permettent d’interroger l’espace entre image et mémoire. C’est dans ces espaces de perception que nous nous construisons, que nous nous affranchissons et apprenons qui nous sommes, sans faux semblants, que nous apprenons à devenir libres au milieu de la pression, souvent monstrueuse, de l’homme, de son inhumaine condition et du chaos qu’il génère en permanence ».
Au cours des quatre dernières années, en résidence dans l’enceinte de l’ancien asile de Ville-Evrard, il a poursuivi et radicalisé sa recherche. Cette nouvelle sélection de photographies synthétise ce qu’il considère comme un pan essentiel de son travail.
Maria de Freitas, psychologue clinicienne à l’hôpital de Maison-Blanche et de Ville-Evrard croise un matin un patient en grande souffrance, il énumère à l’infini et en criant le nom de ses organes douloureux. Devant cette détresse, elle lui propose de déposer par écrit tous ses mots (maux) sur une feuille de papier, ce qui l’apaise. (…) Trois ans plus tard, le même patient croise la psychologue et l’interpelle ; « Eh, m’dame, l’écrit dur ! » ou « L’écrit dure » ou peut-être « Les cris durent »!?… C’est cette dernière acception que Jacques Grison entend lorsqu’il écoute, dans les mêmes lieux devenus vides, et aussi en d’autres endroits, le silence des souffrances qui se sont tues.
les cris durent, 22×33 cm, 64 pages; relié pleine toile sérigraphie.
Conception graphique : Antoine Dupuy